jeudi 18 septembre 2014

Winter Sleep

Aydin et sa soeur Necla dans le bureau

Palme d’Or 2014 
Réalisateur : Nuri Bilge Ceylan né en 1959 à Istanbul, est un photographe et réalisateur turc. Son cinéma est assez original, très imbibé de la contemplation de ses personnages qui lui donne une touche « Bergmannienne ». Il obtient 2 fois le grand Prix à Cannes en 2003 et 2011 avant sa Palme d’Or en 2014. Ses films sont souvent âpres, et d’une violence sourde, cachée, dans les relations entre les personnages, très proche des sentiments exprimés au théâtre.
Pays :Turquie France Allemagne Année : 2014
Acteurs : Haluk Bilginer (Aydın) ; Demet Akbağ (Necla) ; Melisa Sözen (Nihal); Ayberk Pekcan (Hidayet)
Dir. Photo : Gökhan Tiryaki
Résumé : Pour cet immense film je suivrai assez bien l’avis de Jean-Jacques Corrio, « Winter Sleep est un film magnifique et d’une très, très grande richesse, intellectuelle et morale. Il n’y a aucune raison que sa durée rebute quiconque aime, tout simplement, le Cinéma » 
La ligne de fond distingue la vie d’un ancien acteur vieillissant (Aydin) sûr de lui, ayant entre les mains un hôtel hérité de son père, ce qui lui permet de figurer parmi les nantis dans un lieu superbe mais très pauvre. L’antagonisme riches/pauvres est lancé depuis le début par le passage chez un habitant qui est très en retard pour son loyer, on retrouvera ce déséquilibre tout au long du film et il lui donnera une profonde réalité que les conversations essayeront d’atteindre. Dans une discussion ce problème ressurgit sous la forme d’une question, Que puis-je s’il y a des riches et des pauvres ? c’est le système qui est comme ça, soit un dégagement en touche. Aydin s’est réfugié dans une vie de salamalecs avec sa clientèle, et mène la vie un peu oiseuse de celui qui ne fait rien mais ordonne. 
Cet intellectuel, vit dans l’hôtel Othello (c’est déjà un signe) avec sa jeune femme, mais elle est très indépendante, comme on le verra presque à la fin du film, éclipsée comme si sa présence était tabou ou transparente. Aydin vit aussi avec sa sœur qui est souvent allongée dans son bureau et avec qui il converse régulièrement. Ces deux femmes vont tour à tour lui dire ses quatre vérités, son épouse avec beaucoup plus de violence et de souffrance. 
L’image de cet esthète branché qui croit être un modèle, tombe de son cadre doré. Le curieux, c’est que la majeure partie du film nous le montre comme très respectable, humaniste et zen, puis cette image est entrainée dans une chute rapide et sans espoir. 
Un souci pratique pour le spectateur : les dialogues sont riches et demandent une réflexion, que le temps de lecture des sous titres ne permet guère (nos yeux sont soumis à rude épreuve). Jean Jacques Corrio dit « qu’il serait bon d’en disposer par écrit afin de les lire à tête reposée ! » En fait on assiste à des dialogues sur la philosophie de la vie entre différents personnages dignes d’intérêt, et à de la philo tout court quand Necla la sœur discute les éditoriaux de son frère, où il parle de la religion et de ses effets supposés sur la population. En quelque sorte une grande partie du film dresse le procès des intellectuels qui professent, restent dans la théorie sans jamais rien entreprendre. Lui-même Aydin, s’est retiré du monde, s’est retiré de la vie commune avec sa femme quand cela n’allait plus, il vit devant son ordinateur, et écrit des textes pour un journal local.
Une conversation intéressante pour la suite entre Necla et Nihal : s’opposer ou ne rien dire en donnant la chance à l’autre de se reprendre en mains ?
En bref le film est très intéressant, plusieurs thèmes sont développés, dont la difficulté de vivre en couple, la liberté en général et celle des femmes, les ravages de l’alcool, le puritanisme est présent sans le dire tout du long. La pauvreté est abordée avec le côté humiliation, celle-ci induit la violence aveugle et le refus de l’aide. Un petit clin d’œil à L’idiot de Dostoïevsky que vous saurez apercevoir! 
Le film dure 3h 15 and so what ? il faut bien plus de temps pour comprendre ce qui a mené chacun là où il se trouve dans l’exposé de leurs vies.
Complément de Nicole TL :La violence de l'enfant ; quel futur pour cette violence dans un faux semblant des adultes ...punir, pas punir, dire la vérité ou pas, fuite ou pas fuite...
Et l'argent brûlé. Tout ne s'achète pas...
Filmographie : Kasaba ; Nuages de mai ; Uzak ; Les Climats ; Les Trois Singes ; Il était une fois en Anatolie ; Winter Sleep ;
Avis : Film esthétique, assez long, mais très dense. Des personnages attachants à qui on aimerais bien demander leur avis !
Note : 10/10 Rédigé par Jacquie


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